John Wick : Wake up Keanu

 

Badaboum ! John Wick fait mal, il fait très très très mal. Cela faisait longtemps que l’on n’avait pas vu un film aussi jouissif sur un scénario aussi simple. Car clairement, si vous veniez pour de l’émotion, des grandes phrases, passez votre chemin. John Wick, c’est de l’action pure. C’est du badass en barre. Ceux qui ont vu Equilibrium comprendront leur douleur en voyant ce film, car voilà ce à quoi aurait dû ressembler un grand nom de la science-fiction.

Contrairement à ce qu’a tendance à trop croire le cinéma français, il n’y a pas besoin d’un scénario hyper recherché pour faire un bon film. Le cinéma, ce n’est pas simplement filmer des émotions, c’est aussi filmer de l’action. Ce qui est certain c’est qu’il faut au moins autant de talent pour filmer l’action qu’il n’en faut pour filmer l’émotion.

John Wick n’est donc pas un film qui ira faire pleurer dans les chaumières autour du destin tragique du héros, encore que. John Wick, c’est de l’action chorégraphié, de la violence sublimée par une direction d’acteur excellente.

John Wick, c’est avant tout le premier bébé d’un homme baigné dans l’action dans ce qu’elle a de plus pure. David Leitch, qui coréalise le film est un ancien cascadeur. Son physique avantageux et assez trapu faisait en effet de lui la doublure parfaite pour un certain Brad Pitt dans des films aussi important dans la carrière de Brad que dans la sienne comme Fight Club, Ocean’s Eleven, Troie etc… Rapidement cependant il passe de cascadeur comme métier principal à chorégraphe de cascade et travaille à cette occasion sur V pour Vendetta où les frères/sœurs Wachowski sont présents. On se souvient notamment à la scène finale de V qui est un chef de chorégraphie. De là à se demander si ce n’est pas à cette occasion que David Leitch prend contact avec Keanu Reaves il n’y a qu’un pas.

C’est donc après ce parcours que David Leitch devient coréalisateur de John Wick, ce qui est son premier travail en tant que réalisateur. Et pour le coup on peut se dire que c’est une franche réussite, surtout pour quelqu’un qui ne vient pas du milieu de la réalisation.

John Wick se caractérise par son efficacité remarquable, sobre, et pleine de charisme. Les premières cinq minutes du film sont dénuées ou presque de paroles. Cette particularité permet de toucher tout de suite l’identité du film. Un film épuré, centré autour de l’action directe. Ce n’est pas que l’histoire est inintéressante, ou qu’elle sert de prétexte, c’est que sa résolution ne nécessite pas de parler, seulement de tirer, de tuer, froidement et sans pitié. C’est jouissif, dès le début.

Dans la continuité de cette efficacité, les dialogues sont réduits à leur minimum. Pourtant cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas été savamment écris. Les échanges entre les personnages sont souvent anecdotiques, mais chaque phrase, entre chacun d’eux est pensée comme une balle. En témoigne cette réplique assez monstrueuse. John Wick décroche le téléphone, au bout du fil, un baron de la mafia de New York.

  • Allo John, j’ai su ce qu’il s’était passé je crois qu’il faudrait qu’on redevienne des professionnels tu ne crois pas

Joh Wick ne répond pas, la scène dure presque une minute, une éternité, puis finalement, sans avoir parlé, John raccroche. On repasse sur le baron de la mafia, un homme de main lui demande.

  • Il a dit quoi ?
  • Il en a dit bien assez.

Bordel… cette réplique, dans son contexte est aussi forte que bien des grands films sur la mafia. Le mec ne parle pas, ne dit pas un mot, et l’on sent, physiquement, que ce silence en dit long. C’est de la très bonne écriture de dialogue.

De manière générale, les premières dizaines de minutes du film parviennent très bien à mettre en place le mythe de John Wick. Un tueur à gage sanguinaire, impitoyable et froid  qui s’est rangé pour une femme. Une véritable légende du crime et ce partout et où qu’il aille, très caractérisée par la même phrase prononcée par tous les personnages que John rencontre « Bonjour John ». Même si le schéma est éculé, le talent de ce film est de nous y faire vraiment croire, là où un Looper peine vraiment à y parvenir. Bref, au bout de 20 minutes, on est impatient que John commencent à casser des membres et défourailler au Glock ou au Berretta. D’ailleurs, pour citer Bruce Willis, il y a chez John Wick un certain côté John McClane, toujours au mauvais endroit au mauvais moment. L’ensemble des évènements qui vont arriver au personnage principal découlent de quelque chose qui ne le vise pas spécifiquement, mais qui déclenche une série d’évènements partent complètement en vrille.

L’influence du réalisateur est extrêmement sensible lorsqu’il s’agit des scènes de violence. A ce degré, il ne s’agit plus de fusillades, c’est une chorégraphie. Pour m’être un peu renseigné sur le film avant de le voir, Keanu Reaves réalise lui-même l’ensemble des scènes de cascades du film. Cela inclut toutes les scènes de fusillades chorégraphiées. L’utilisation de l’arme à feu est ici élevée au rang d’art.

John Wick est un artiste de la fusillade et de la baston, les gestes qu’il réalise sont beaux, et c’est presque avec regret que l’on voit ses antagonistes briser cette belle parade de décharge de chevrotine. Il y a dans cette beauté poudrière quelque chose d’Equilibrium comme je le disais précédemment.  C’est comme ça qu’on aurait voulu voir Christian Bale dans son rôle d’Ecclésiaste. Une chorégraphie du coup de feu au service de l’action du film. Je peux vous dire que d’un point de vue de l’écriture des plans cela a dû être un véritable enfer.

Au-delà de cet aspect chorégraphique très bien assumé, nous avons un certain nombre de référence, parfois facile, parfois plus subtile à des films plus anciens. La patte des frères/sœurs Wachowski sur ce film est vraiment prégnante. Clairement c’est un film qu’eux même auraient pu réaliser. Les références sont assez nombreuses, mais assez discrètes pour que le film ne fasse pas dans le fan service.

Premièrement, en référence aux précédents rôles de Keanu Reaves, et évidemment au premier plan celui de Neo dans Matrix. Premièrement, ne serait-ce que dans la construction du personnage, il y a quelque chose de Neo. Un être exceptionnel, cette fois ci par sa violence, par son absence évidente de regret face aux morts qu’il provoque autour de lui, et cela pour un casus belli finalement faible comparée au nombre de morts qu’il provoque finalement. John Wick est froid, il est précis, formidablement doué dans son art c’est-à-dire le meurtre, comme Néo en un sens, qui lui non plus n’a pas décidé de son sort mais l’accepte et devient une formidable machine de guerre. Les références à Matrix sont peu nombreuses, mais suffisamment présentes pour  être remarquées.

C’est le cas notamment de tout ce qui se passe dans le bar. Quelque chose dans l’image, quelque chose dans la lumière, cet espèce de tamisage vert électrique nous fait penser que cette adresse est celle du Mérovingien dans Matrix. Je suis sûr, intimement convaincu, que le cocktail que bois Miss Perkins dans John Wick est le même que celui que Monica Belluci boit dans Matrix. Et le décor de la boite de nuit. La musique n’est certes pas de métal hardcore, mais cette débauche, et cette fille qui danse dans une cage, avec Keanu Reaves qui le traverse la piste !! Et puisque que l’on parle de métal… une partie de la bande son de matrix est assumée par du métal dont Marylin Manson. Et qui revient ici dans John Wick pour rajouter du charisme au charisme ? Marilyn bien sûr, avec une certaine dose de jouissance. De manière générale d’ailleurs, la musique est parfaitement gérée dans ce film, instaurant un climat tantôt oppressant, tantôt totalement jouissif.

Hormis Matrix, il y a un autre film qui est cité dans ce film. C’est évidemment Speed, film de 1994  réalisé par Jan de Bont. Dans les premières scènes, on peut voir John Wick cracher sa rage sur une un aérodrome en faisant des dérapages avec sa superbe bagnole. Les plans pris à ce moment-là ne sont pas sans rappeler les plus intenses des moments de Speed. Par ailleurs, à propos de bus, je mettrais presque mes deux mains à couper que le bus dont descend John Wick pour chercher sa voiture est le même modèle de bus que dans Speed, peinture bleues et blanche, formes arrondies, seules les portes sont devenues coulissantes et non pliantes.

Enfin, plusieurs éléments scénaristiques installent un univers du genre méga méga intéressant. Ce qui me marque particulièrement est cette monnaie du crime faite de pièce en or de toute évidence. Cela pose des questions quant au côté vraisemblable de l’univers de John Wick, mais renforce encore son côté charismatique.  De manière assez claire, cette monnaie correspond à des vies. Une pièce = une vie. Ce simple détail donne un côté mythologique au crime présent dans l’univers de John Wick. Il suggère l’existence d’une sous-société qui ne réagirait pas suivant les mêmes règles que le monde normale, même en ce qui concerne l’argent. L’antagoniste principale fulmine d’ailleurs contre John qui a détruit le contenu d’un coffre. Cet antagoniste hurle parce qu’il a perdu de l’argent, certes, mais surtout il a perdu des photos, des factures, des moyens de pression qui font son pouvoir. C’est assez étonnant de voir dans un film comme cela une telle clairvoyance quant à l’univers de la haute-mafia (les politiques clairement). L’objet du crime aujourd’hui est moins l’argent que le pouvoir, ce qu’on trop souvent tendance à oublier les classiques films de mafias.

D’ailleurs, ceux qui possèdent dans le film le vrai pouvoir sont moins les mafieux que ceux qui possèdent le contrôle sur l’argent. En témoigne l’exécution sommaire et contre une simple pièce d’or de la principale antagoniste du film, Miss Perkins. La morale est que celui qui crée l’argent et le contrôle a plus de pouvoir que celui qui le possède. Bonne compréhension du monde non ?

Côté appropriation de l’univers, il faut aussi souligner l’excellente appropriation des sous-titres pour les doublages russes/français. Les sous-titres ont un relief une couleur et ne sont plus cantonnés en bas ou en haut de l’écran. Ils sont dans les zones mortes de l’action et apporte parleur apparition une action à des endroits, rares dans John Wick où il n’y a pas d’action. Une excellente initiative.

wick5

Bien évidemment ce film possède des faiblesses, mais minime en comparaison à la superbe prestation qu’il nous offre. Les effets visuels numériques, très peu nombreux ne sont pas bien gérés, notamment celui de l’explosion de la voiture qui souffle un homme par la même occasion. Le plan au ralenti sous la douche de John Wick, cliché au possible. Les méchants sont russes, pour changer quoi. Surtout, alors que l’ensemble du film est parfaitement réalisé jusqu’aux cinq dernières minutes, les cinq dernières minutes sont totalement ratées, je ne sais pas pourquoi. Le combat final est nul, sans charisme, et surtout illogique. Pourquoi John Wick, si dominateur dans ce combat s’enfonce volontairement la lame de son adversaire dans le ventre si c’est pour survivre si facilement après ?

Pour conclure, un très bon film d’action simple, efficace, sifflant aux oreilles comme une balle.

Laisser un commentaire